Cycle HiPhiS 2023 : Communication scientifique : certitudes, incertitudes et prise de décision

[ titre abrégé : « Science publique : (in)certitude & décision » ]

7 conférences programmées de mars à décembre 2023

« La physique ne nous dit certes pas tout, mais ce qu’elle dit, elle est la seule à pouvoir le dire. » (Étienne Klein)

  La décision publique (politique, administrative, judiciaire…) a régulièrement besoin de s’appuyer sur la connaissance ou l’expertise scientifique. Ce qui, en situation d’urgence, de crise ou face à de grands enjeux sociétaux (santé, climat, énergie…), peut mener à des malentendus sévères voire à des mises en accusation. En effet, chacun espère que la prise de décision s’appuie sur une information réputée sûre (“certitudes”), alors que les savoirs produits par la science sont par essence susceptibles d’être remis en cause (“incertitudes”), en particulier par l’avancée de la science elle-même.

  Comment, dans quelle mesure, jusqu’où et jusqu’à quand un savoir scientifique peut-il être suffisamment assuré pour contribuer à la prise de décision ? Comment les résultats de la recherche et les spécificités de la méthode scientifique peuvent-ils, ou doivent-ils être diffusés en direction du grand public ?

  La communication scientifique, qui vise à informer les différents publics sur les avancées des sciences et des techniques et sur leurs rôles dans la société, s’exerce désormais dans un espace médiatique devenu perméable aux théories du complot. Comme illustré à plusieurs reprises dans l’actualité récente, des questions scientifiques importantes (en matière d’environnement ou de santé par exemple) suscitent des discussions biaisées, polarisent les opinions et font croître des micro-communautés épistémiques au sein desquelles se diffusent rumeurs et fausses nouvelles. Au regard des enjeux pour des sociétés engagées à relever les défis immenses de l’anthropocène, la fragilité et l’ambivalence de la communication des sciences en font un sujet d’intérêt public. Non tant qu’il y ait un effondrement général de la confiance du grand public dans les sciences, mais des actions de communication à visée de désinformation et d’origines diverses peuvent réussir à brouiller les frontières entre science et opinion, entre sujets de débat et sujets de consensus, entre questions de fait et questions de valeur.

  Le cycle HiPhiS 2023 souhaite mettre en débat ces questions vives de la communication scientifique, en apportant un éclairage pluridisciplinaire sur les liens entre certitudes, incertitudes et prises de décisions.

Cliquer sur les vignettes pour voir les affiches en grand format.

 


Mardi 14 mars 2023
Gouverner la biodiversité : comment réussir à échouer ?
   Vincent Devictor

  Écologue et philosophe des sciences, Chercheur CNRS à l’Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier

17h30 – UM Faculté des Sciences, salle de cours SC-10.01 (campus Triolet, bât. 10)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF435 Ko

Résumé :

  Pourquoi la transition écologique semble-t-elle être conçue pour durer éternellement ? Pourquoi réussissons-nous à échouer avec autant de brio en matière de politique écologique ? Je propose de retracer les raisons du fiasco de la gouvernance de la biodiversité conçue comme un enjeu politique global. J’examine notamment la disparition du contenu politique et écologique de la crise de la biodiversité : un modèle gestionnaire et comptable de la biodiversité mystifie les causes de destruction de la nature. Dans ce modèle, les questions éthiques comme les dynamiques écologiques et évolutives sont systématiquement éludées. Je propose pour conclure quelques points à défendre pour rejeter ce modèle managérial de la crise écologique.

Bibliographie :

□ Devictor, V. (2021), Gouverner la biodiversité, ou comment réussir à échouer, Versailles, Éditions Quae (coll. Sciences en question). ISBN 978-2-7592-3438-7 | site éditeur

Affiche HiPhiS 2023-03-14M – V. Devictor


 


Mardi 9 mai 2023
Information scientifique et désinformation : arguments, émotions et “fake news”
   Paola Cantù

   Philosophe des mathématiques, Chercheuse CNRS au Centre Gilles-Gaston Granger, Aix-Marseille Université

17h30 – UM Faculté des Sciences, salle de cours SC-10.01 (campus Triolet, bât. 10)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF544 Ko

Invitation conjointe avec l’IMAG – Institut Montpelliérain Alexandre Grothendieck

Résumé :

  Nous aborderons le rôle des arguments dans l’information et la désinformation scientifiques, suggérant que la théorie de l’argumentation peut jouer un rôle intéressant dans l’analyse critique des sources. En examinant deux cas spécifiques (les arguments promouvant l’utilisation du curcuma comme traitement du cancer du pancréas et les arguments recommandant le port d’un masque pour se protéger des infections), le rôle des émotions dans la communication scientifique sera également abordé. Enfin, le rôle de la théorie de l’argumentation dans l’analyse des fake news sera questionné.

Affiche HiPhiS 2023-05-09M – P. Cantù


 


Mardi 6 juin 2023
Le voir pour y croire : comment des auteurs chinois des Xe–XIIIe siècles ont travaillé sur l’élaboration géométrique de coefficients négatifs invisibles
   Charlotte-V. Pollet

   Historienne et philosophe des mathématiques, Associate Professor à la National YangMing ChiaoTung University, Taïwan

17h30 – UM Faculté des Sciences Dépt Maths, salle TD-9.02 (campus Triolet, bât. 9 RdC)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF340 Ko

Résumé :

  Une surface négative peut-elle exister ? Peut-on alors la représenter ? Comment penser et visualiser un concept impensable ? En Chine, entre le Xe et le XIIIe siècle, plusieurs auteurs de textes mathématiques se heurtent à ces questions. C’est un époque complexe qui voit la naissance des équations quadratiques à une ou plusieurs inconnues et l’arrivée des coefficients négatifs. Or comme l’élaboration de ces équations se fait par le biais de la géométrie, les auteurs se retrouvent alors à penser des surfaces “vides”. Leur réponse au problème –qui partage les traits du taoïsme– sera le mouvement.
  La recherche sur l’algèbre en Chine s’est souvent concentrée sur la « Procédure de la source céleste ». Ses ancêtres géométriques sont moins connus. Le texte disponible le plus ancien, le Yigu yanduan, rédigé par Li Ye (1192–1279), présente la procédure aux côtés de ses deux homologues géométriques, la « Section de morceaux [d’aire] » et une « Ancienne procédure ». Les trois procédures sont connues pour représenter trois générations d’algorithmes utilisés pour établir des équations quadratiques. Un procédé géométrique similaire apparaît dans un traité rédigé par Yang Hui (seconde moitié du XIIIe siècle). Bien que les procédures se ressemblent à première vue, les deux traités révèlent des moments différents dans leur travail sur la relation entre le matériel utilisé pour le calcul et les représentations géométriques. La construction des coefficients négatifs joue un rôle central et montre plusieurs strates de composition où il semble que les mathématiques sont prétexte à suivre une réflexion plus générale sur les mutations. Ce sont probablement des réflexions philosophiques qui sont à l’origine de ces transformations en mathématiques.

Bibliographie :

□ Pollet, C.-V. (2020), The empty and the full: Li Ye and the way of mathematics – geometrical procedures by section of areas, Singapour, World Scientific. ISBN 978-981-120-947-5 | lien éditeur

Affiche HiPhiS 2023-06-06M – C. V. Pollet

Iconographie (filigrane) affiche :
Fac-simile du manuscrit Yigu yanduan, page du Problème n° 8 | voir l’image


 


Mardi 13 juin 2023
Création d’indicateurs sociaux et politique sociale aux États-Unis à la fin des années 1960
   Jean-Baptiste Fleury

   Professeur d’économie à Sorbonne Université, Paris, équipe HDEA

17h30 – UM Polytech, amphithéâtre Serge Peytavin (campus Triolet, bât. 31)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF358 Ko

Invitation conjointe avec l’équipe d’accueil MRE – Montpellier Recherche en Économie

Résumé :

  L’intérêt porté aux statistiques sociales précède largement l’émergence de la notion d’indicateur social. On pense notamment aux premières mesures de richesse nationale développées par William Petty au XVIIe siècle, à l’intérêt porté à la mesure de nombreux phénomènes sociaux par Adolphe Quételet au XIXe siècle, ou, plus récemment, à l’ambitieux rapport supervisé par William Ogburn pour le Président Herbert Hoover en 1933, Recent Social Trends. Mais c’est au cours des années 1960 que l’on assiste à l’émergence d’un nouveau concept, celui « d’indicateur social ». L’indicateur social n’est pas qu’une simple statistique : il est pensé par de nombreux chercheurs comme un outil ayant pour objectif de communiquer sur l’état de santé d’une société, ainsi que d’indiquer les tendances décrivant le changement social.
  L’engouement pour le développement d’indicateurs sociaux se développe fortement au cours des années 1960, à tel point que l’on a rapidement parlé de « mouvement » des indicateurs sociaux. Le contexte de l’époque joue un rôle prépondérant. En effet, c’est une période marquée par la redécouverte aux États-Unis du problème de la pauvreté dans une société d’abondance. Cette thématique, au cœur du vaste programme de politique sociale du président Lyndon Johnson, va progressivement recentrer les préoccupations des dirigeants sur les problèmes sociaux, contribuant par la même occasion à les éloigner des problématiques internationales liées à la guerre froide. Dans ce contexte, le développement d’indicateurs sociaux est intimement lié au constat du manque d’indicateurs systématiques de l’état de santé de la société, problème alors qualifié de « domestic intelligence gap ».

Affiche HiPhiS 2023-06-13M – J.-B. Fleury

  Cette communication propose de retracer l’histoire du bref mouvement des indicateurs sociaux, depuis son émergence au milieu des années 1960, jusqu’à sa fin au début des années 1980. Vingt ans après son démarrage en trombe, force est de constater que le mouvement s’est considérablement essoufflé tant auprès de la communauté scientifique que des pouvoirs publics. D’une part, la recherche a peut-être échoué à atteindre les objectifs scientifiques qu’elle s’était fixée initialement, et, d’autre part, le soutien des pouvoirs publics s’est effectivement tari au début des années 1980. Car malgré le fort intérêt porté aux indicateurs sociaux, leur développement souleva un certain nombre de débats et de désaccords portant entre autres sur :
– la méthodologie de leur construction ;
– leurs objectifs et leur signification ;
– le rapport entre les chercheurs, l’expertise scientifique et le conseil en politique publique ;
– les rapports de pouvoir entre les différentes sciences sociales.
Entre autres illustrations, l’étude des débats autour de la création d’un Council of Social Advisers, inspiré du Council of Economic Advisors, apporte une illustration intéressante des problématiques discutées par les chercheurs et les décideurs publics, autour de la question des indicateurs sociaux.


 


Mardi 17 octobre 2023
Enjeux autour des récits d’épidémies : de la covid à la peste
   Renaud Piarroux

   Infectiologue, spécialiste des épidémies, Professeur de médecine à Sorbonne Université & APHP Pitié-Salpêtrière, IPLESP Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique, Paris

17h30 – UM Faculté de Médecine, salle Macabies (bâtiment historique RdC, 2 rue de l’École de médecine – Tram 4 “Peyrou – Arc de Triomphe”) + en ligne sur Zoom UM

Résumé, affiche, info visio

Affiche A3 – PDF 473 Ko

Résumé :

  La pandémie de covid a donné lieu à des récits contradictoires, en particulier sur les circonstances de son émergence en Chine. Au récit reliant la pandémie à une circulation préalable du virus chez des animaux vendus sur les marchés, s’oppose un autre qui la rattache à un accident de laboratoire — quatre ans plus tard, la question n’est toujours pas résolue. Dans les années 1980 l’émergence du sida avait déjà donné lieu à des polémiques comparables, et même à des campagnes de désinformation orchestrées par les services secrets soviétiques.
  En nous appuyant sur ces deux exemples, ainsi que sur ceux du choléra en Haïti en 2010 et de la peste à Marseille en 1720, nous analyserons les ressorts de ces polémiques et le rôle tenu par les scientifiques à l’appui de chacune des thèses. Nous verrons ainsi que, loin d’être une exception, la controverse sur l’origine de la covid montre toute la difficulté de faire la lumière sur des évènements à double connotation, politique et scientifique.

Bibliographie :

□ Piarroux, R. (2019), Choléra. Haïti 2010–2018, histoire d’un désastre, Paris, CNRS Éditions. ISBN 978-2-271-12524-8 | lien éditeur
□ Piarroux, R. (2020), La vague. L’épidémie vue du terrain, Paris, CNRS Éditions. ISBN 978-2-271-13556-8 | lien éditeur

Médiagraphie :

□ France Culture / APHP (2021–2023), “Mécaniques des épidémies”, série documentaire de R. Piarroux, podcast 36×15min ou 9×1h | lien Radio-France

Affiche HiPhiS 2023-10-17M – R. Piarroux


“Hybride” avec visioconférence Zoom, sous réserve de faisabilité technique :
La diffusion simultanée sur Zoom UM sera réalisée « avec les moyens du bord » : selon l’état du réseau WiFi, la continuité de connexion et la qualité audio/vidéo ne sont pas garanties ; l’interactivité à distance sera minimale. Pour de meilleures conditions d’écoute, merci de privilégier la présence sur place autant que possible.

Ressources Zoom.us si vous n’avez pas encore l’application client sur votre appareil : téléchargement | documentation générale | rejoindre une réunion Zoom (service également accessible via certains navigateurs internet avec un compte Zoom, voir les détails).


 


Mardi 28 novembre 2023 [conférence annulée]
Pluralité des modèles et incertitudes climatiques
   Julie Jebeile

  Philosophe des sciences, Chercheuse CNRS au Centre National de Recherches Météorologiques UMR 3589, Toulouse

17h30 – UPVM3 site Saint-Charles, salle Caryatides (n° 003, RdC bât. St-Charles-2, rue Prof. Henri Serre | tram 1 Place Albert 1er – St-Charles)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF 470 Ko

Invitation conjointe avec l’EA 4424 CRISES, UPVM3
Conférence annulée en raison d’incidents SNCF empêchant la venue de la conférencière

Résumé :

  Les projections climatiques ne dérivent pas d’un unique modèle mais d’un ensemble de modèles développés à travers le monde. L’ensemble dit multi-modèle sert notamment à couvrir les incertitudes liées aux choix de représentation, et ainsi à calculer les probabilités associées aux projections du climat futur. Dans cet exposé, nous examinerons les problèmes qu’une telle pratique soulève et auxquels les climatologues doivent faire face. Nous explorerons les possibilités nouvelles qu’offre toutefois la pluralité des modèles pour produire ensemble des connaissances certes incertaines mais utiles à la prise de décision.

Ingénieure-physicienne et docteure en philosophie des sciences, Julie Jebeile a d’abord travaillé sur l’épistémologie des représentations scientifiques (modèles mathématiques, simulations numériques, représentations visuelles). Depuis plusieurs années, ses recherches portent principalement sur les enjeux des sciences du climat et des travaux du GIEC ; en particulier sous les aspects du traitement et la communication des incertitudes climatiques, de l’influence des valeurs socioéconomiques dans la production des connaissances, ou de l’élaboration d’une expertise utile à la prise de décision politique.

Affiche HiPhiS 2023-11-28M – J. Jebeile


 


Mardi 5 décembre 2023
Comment garder le goût du vrai ?
   Étienne Klein

   Physicien et philosophe des sciences, Directeur de recherche au CEA Paris-Saclay, LARSIM Laboratoire des Recherches sur les Sciences de la Matière

15h – UM Faculté des Sciences, amphithéâtre A-5.01 (campus Triolet, bâtiment 5)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF 2.9 Mo

Invitation conjointe avec l’UFR Faculté des Sciences de Montpellier

Résumé :

  La philosophie des Lumières défendait l’idée que la souveraineté d’un peuple libre se heurte à une limite, celle de la vérité, sur laquelle elle ne saurait avoir de prise : les « vérités scientifiques », en particulier, ne relèvent pas d’un vote. La crise sanitaire du covid a toutefois montré avec éclat que nous n’avons guère retenu la leçon, révélant l’ambivalence de notre rapport à la science et le peu de crédit que nous accordons à la rationalité qu’il lui revient d’établir. Lorsque, d’un côté, l’inculture prend le pouvoir, que, de l’autre, l’argument d’autorité écrase tout sur son passage, lorsque la crédibilité de la recherche ploie sous la force de l’événement et de l’opinion, comment garder le goût du vrai – celui de découvrir, d’apprendre, de comprendre ?

Bibliographie :

□ Klein, E. (2020), Le goût du vrai, Paris, Gallimard (coll. Tracts). ISBN 978-2-07-291671-7 | eISBN 978-2-07-291675-5 | lien éditeur

(composition graphique affiche : Service Communication FdS / oct. 2023)

Affiche HiPhiS 2023-12-05M – E. Klein