Cycle HiPhiS 2019 : Représentations, analogies, abstractions

7 conférences programmées de mai 2019 à janvier 2020

  La notion de représentation permet d’interroger le statut de l’objet scientifique et des modalités selon lesquelles on le donne à voir dans la pratique scientifique elle-même. S’agit-il d’un double du réel ? S’agit-il d’une idéalisation ? S’agit-il d’une abstraction ? La représentation nous donne-t-elle accès à ce qui échapperait autrement à la perception sensible (représentation d’atomes, de molécules, etc) ? Ou s’agit-il de donner à voir ce qui relèverait en principe du pur concept (statut des objets mathématiques par exemple) ? En sciences, la réalité ne se réduit pas à des représentations donnant lieu à des preuves formelles, pas plus qu’elle ne se réduit à des manifestations donnant lieu à des preuves empiriques. Mais comment raisonner de manière correcte sur des objets qui ne sont pas toujours parfaitement déterminés ? Comment se représenter ce qui en eux n’est pas encore connu ?
  Si les représentations renvoient plutôt aux objets de la science, à leur rapport au réel, au rôle de la sémiotique, etc, de leur côté l’analogie et l’abstraction renvoient aux méthodes de la science, à ses modes de raisonnement : abstraire, c’est isoler des aspects communs à différentes situations (en s’extrayant des contextes) de façon à établir des résultats généraux et permettre des unifications. Les analogies permettent le transfert de méthodes et d’intuitions d’une situation ou d’un domaine vers un autre, alors que l’application de ces méthodes ou intuitions aurait pu ne pas être considérée comme légitime a priori mais peut se révéler particulièrement féconde d’un point de vue heuristique ; ainsi, Maxwell s’était-il explicitement inspiré des équations de la mécanique des fluides pour formuler ses lois de l’électromagnétisme.
  Or, de même que la construction de représentations mobilise (parfois implicitement) des processus d’abstraction ou d’analogie (cf. la représentation de molécules sous formes de balles reliées par des ressorts), de même ces dernières peuvent-elles rarement se passer de représentations des objets sur lesquelles elles opèrent. Un des problèmes qui peuvent se poser est alors celui de la distorsion ou de l’éloignement par rapport au réel ou aux conditions concrètes que ces procédures et représentations sont susceptibles d’introduire. En théorie du droit par exemple, on distingue le contrôle concret ou abstrait des normes, le second consistant à appréhender la norme sans considération de ses conditions d’application. Ainsi le contrôle de constitutionnalité des lois est dit abstrait — une qualification récemment remise en question dès lors qu’on ne peut plus juger les lois indépendamment de leur interprétation par un magistrat, spécialement depuis l’avènement en 2010 de la question prioritaire de constitutionnalité.

Cliquer sur les vignettes pour voir les affiches en grand format.

 


Mardi 21 mai 2019
La distinction entre contrôle concret et contrôle abstrait des normes : de la dichotomie à la nébuleuse
   Guillaume Tusseau

  Juriste et philosophe du droit, Professeur de droit public à Science-Po Paris, membre honoraire IUF

17h30 – UM Faculté de Droit, amphithéâtre 201 “Pedro de Luna” (14 rue du Cardinal de Cabrières, Bât. 2, 2e étage | tram 1 ou 4 Place Albert 1er ou Louis Blanc)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF280 Ko

Invitation conjointe avec le CERCOP – Centre d’Études et de Recherches Comparatives Constitutionnelles et Politiques

Résumé :

  Comme toute discipline académique, le droit constitutionnel s’appuie des concepts structurants. Parmi ceux qui permettent d’organiser l’exposition des données du droit positif relatives à la justice constitutionnelle figure la distinction entre contrôle concret et contrôle abstrait des normes. Cette dichotomie, dont la généalogie recèle quelques surprises, est d’usage courant dans la doctrine, française comme étrangère. Elle semble permettre d’opposer différents types d’interventions des juges constitutionnels, selon que ceux-ci portent précisément leur attention sur les faits d’un litige opposant deux justiciables ou qu’ils s’en dégagent au contraire pour ne s’intéresser qu’aux normes en cause. Pourtant, l’individuation conceptuelle de chacun des termes de la distinction est particulièrement ardue. Souvent confondus avec d’autres critères de classification des opérations réalisées par les juges, caractère concret et caractère abstrait sont parfois irrémédiablement mêlés. Certains recours, tels que les questions préjudicielles de constitutionnalité, résistent à tout classement, tandis que les effets personnels des décisions juridictionnelles ne sont guère lisibles à travers ce prisme. Ces difficultés conduisent à remettre en question la construction des outils de l’analyse, et notamment à s’interroger sur un possible abandon de la définition des concepts en fonction de critères nécessaires et suffisants, au profit d’une approche par cas paradigmatiques.

Affiche HiPhiS 2019-05-21M – G. Tusseau


 


Mardi 11 juin 2019
Les expériences de pensée scientifiques : abstraction, généralité, narration
   Anouk Barberousse

  Philosophe des sciences, Professeure à Sorbonne Université (Paris 4), UMR 8011 Sciences, Éthique, Société, chercheuse associée IHPST

17h30 – UPVM3 site Saint-Charles, salle Colloque 2 (rue Prof. Henri Serre, RdC | tram 1 Place Albert 1er – St-Charles)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF280 Ko

Invitation conjointe avec l’EA 4424 CRISES, UPVM3

Résumé :

  De nombreuses expériences de pensée scientifiques se présentent comme des récits mettant en scène des entités parfois réelles, parfois imaginaires, dont on cherche à découvrir à quelles lois elles sont soumises. Leur but est de faciliter le raisonnement qui, au lieu de ne reposer que sur l’inférence logique et le calcul mathématique, s’appuie aussi sur leur dimension narrative. Les expériences de pensée ont ainsi pour but d’accéder à une compréhension générale des phénomènes visés, mais à partir d’éléments particuliers. Par exemple, l’expérience de pensée des loups de Darwin consiste à imaginer une meute de loups particuliers et leur destin, tout en visant une conclusion générale. Grâce à l’examen d’exemples, nous mettrons en évidence le jeu de l’abstrait et du concret qu’autorisent les expériences de pensée dans leur quête de généralité.

Affiche HiPhiS 2019-06-11M – A. Barberousse


 


Mardi 25 juin 2019
L’impératif analogique
   Emmanuel Sander

  Professeur de psychologie à l’Université de Genève (équipe IDEA) et à l’Université Paris 8 (équipe CRAC, EA 349 Paragraphe)

17h30 – UM IAE, amphithéâtre Robert Reix (campus Triolet, bât. 29) [attention, campus en travaux !]

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF335 Ko

Résumé :

  Le souci de distinguer l’être humain de ses congénères du règne animal a pendant longtemps interdit de penser le raisonnement de l’adulte éduqué autrement que conforme à la logique. S’appuyant sur l’ouvrage “L’analogie, cœur de la pensée” (Hofstadter & Sander, 2013), cette conférence réhabilite l’analogie en montrant sa nécessité cognitive et sa richesse créative. Elle défend la thèse selon laquelle l’analogie, qui permet de traiter l’inconnu comme du connu, constitue le moteur principal de la pensée. Il s’agira de montrer que, loin d’être un phénomène ponctuel, elle envahit et détermine la cognition de pied en cap, depuis les actes les plus banals et inconscients jusqu’aux découvertes scientifiques les plus créatives, en passant par ce qui guide la manière dont chacun interagit avec son environnement, interprète une situation, raisonne au quotidien, prend des décisions, acquiert de nouvelles connaissances.

Bibliographie :

□ Hofstadter, D. & Sander, E. (2013), L’analogie, cœur de la pensée, Paris, Odile Jacob. ISBN 9782738124739 | site éditeur
□ Parution en anglais sous le titre : Surfaces and Essences – Analogy as the fuel and fire of thinking, 2013, New York, Basic Books. ISBN 9780465018475 | site éditeur

Affiche HiPhiS 2019-06-25M – E. Sander


Attention travaux – accès au campus Triolet modifiés en raison du chantier “Village des Sciences” : pour rejoindre le bâtiment 29 IAE depuis le tram, accéder par l’entrée rue du Truel (environ 15 minutes depuis la station “Universités”). Voir le plan.


 


Mardi 17 septembre 2019
Une nouvelle philosophie pour les pratiques mathématiques
   Jean-Paul Van Bendegem

  Philosophe des mathématiques, Professeur émérite à la Vrije Universiteit Brussel (Belgique)

17h30 – UM Faculté des Sciences, salle de cours SC-12.01 (campus Triolet, bât. 12)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF475 Ko

Invitation conjointe avec l’IMAG – Institut Montpelliérain Alexandre Grothendieck

Résumé :

  En 1976 Proofs and Refutations d’Imre Lakatos est publié et une nouvelle vague dans la philosophie des mathématiques s’annonce. On se rend compte que les pratiques mathématiques concernent plus que les preuves mathématiques mais aussi la “quête” qui aboutit à une preuve, les calculations, les essais, les “explorations”, …, sans oublier la situation sociale dans laquelle se trouve un(e) mathématicien(ne). Les preuves elles-mêmes deviennent des objets de recherche complexes. On discute de la beauté, la force explicative, la profondeur, … d’une preuve. Mettant ensemble tous ces éléments, on ne peut que se poser la question quelles sont les implications pour la philosophie des mathématiques. On peut bien s’imaginer que les idées de certitude et nécessité dans la pensée mathématique reçoivent une nouvelle interprétation, qui rend les mathématiques plus mystérieuses que jamais.

Bibliographie :

Lakatos, I. (1976), Proofs and Refutations – The logic of mathematical discovery, Cambridge University Press.

Affiche HiPhiS 2019-09-17M – J.-P. Van Bendegem


Attention travaux – accès au campus Triolet modifiés en raison du chantier “Village des Sciences” : pour rejoindre le bâtiment 12 depuis le tram, accéder par l’entrée rue du Truel (environ 15 minutes depuis la station “Universités”). Voir le plan.


 


Mardi 12 novembre 2019 [conférence annulée, venue reportée au 16 juin 2020]
Thème : philosophie des mathématiques (titre non communiqué)
   Jean-Pierre Marquis

  Logicien et philosophe des mathématiques, Professeur à l’Université de Montréal (Canada)

 


Mardi 26 novembre 2019 [conférence annulée]
Entre analogie et abstraction : une étude des origines de la simulation dans l’ENIAC
   Liesbeth De Mol

  Philosophe, historiennne et épistémologue de l’informatique, C.R. CNRS, Université de Lille, UMR 8163 Laboratoire “Savoirs Textes Langages”

17h30 – UPVM3 site Saint-Charles, salle du Kouros (n° 002, RdC bât. St-Charles-2, rue Prof. Henri Serre | tram 1 Place Albert 1er – St-Charles)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF320 Ko

Conférence annulée pour raison de santé.

Invitation conjointe avec l’IMAG – Institut Montpelliérain Alexandre Grothendieck, UM ; et avec l’EA 4424 CRISES, UPVM3

Résumé :

(titre abrégé : L’ENIAC, une machine simulatrice ?)

  Quel est l’impact de l’ordinateur sur les sciences ? Cette question est centrale dans les débats philosophiques autour de la simulation. Plutôt que prendre directement position dans ces débats, mon objectif est de revisiter les origines de la simulation mise en œuvre dans l’ENIAC (*) et de remettre en perspective la simulation dans ce contexte historique. Plus particulièrement, je me concentrerai sur les travaux de trois “utilisateurs” : Derrick H. Lehmer, Haskell B. Curry et John von Neumann. À partir de cette étude, je souhaite montrer comment la vitesse de l’ordinateur oblige à repenser et à transformer les méthodes existantes ; ce n’est donc pas la simulation, mais la machine qui est centrale dans leur pensée. C’est à ce niveau que l’on trouve des perspectives et des techniques différentes pour penser le problème de la représentation des processus “naturels” (i.e. non-mécanisés) dans la machine.

(*) Electronic Numerical Integrator And Computer, le premier ordinateur programmable entièrement électronique ; opérationnel dès 1946, il était beaucoup plus rapide que les calculateurs électromécaniques de l’époque.

Bibliographie :

□ De Mol, L. (2019), « ‘A pretence of what is not’ ? A study of simulation(s) from the ENIAC perspective », NTM Zeitschrift für Geschichte der Wissenschaften, Technik und Medizin, 27(4): 443–478. DOI: 10.1007/s00048-019-00226-7 | preprint HAL n° 01807956

Affiche HiPhiS 2019-11-26M – L. De Mol [conf. annulée]


 


Mardi 10 décembre 2019 [conférence reportée au 24 mars 2020]
Infravies – le vivant sans frontières
   Thomas Heams

  Biologiste et philosophe de la biologie, Maître de Conférence à AgroParisTech, UMR GABI Génétique Animale et Biologie Intégrative

17h30 – UM Polytech, amphithéâtre Serge Peytavin (campus Triolet, bât. 31)

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF310 Ko

Conférence annulée en raison des grèves dans les transports publics ; reportée mardi 24 mars 2020.

Résumé :

  Comprendre le vivant dans son aspect le plus fondamental est une quête immémoriale. Chaque époque, chaque mode de pensée, a cherché des réponses qui ont en retour modifié notre rapport au monde biologique, mais un consensus demeure lointain, au risque de fragiliser les sciences du vivant. Une partie de la difficulté à laquelle se heurtent les biologistes et les philosophes tient dans l’impossible démarcation entre vivant et non-vivant, qui est pourtant perçue par la société, et parfois les chercheurs eux-mêmes comme une frontière cardinale. La perspective des infravies est une proposition théorique, nourrie de données expérimentales (exobiologie, biologie de synthèse, origines du vivant) et d’observations naturalistes, pour dépasser ce problème de délimitation et faire du vivant autre chose qu’une catégorie. Elle permet de ne pas renoncer à définir le vivant et a d’importantes conséquences épistémologiques et éthiques.

Bibliographie :

□ Heams, T. (2019), Infravies – Le vivant sans frontières, Paris, Seuil. ISBN 9782021098198 | site éditeur

Affiche HiPhiS 2019-12-10M – T. Heams [conf. reportée]


 


Mardi 14 janvier 2020
De la nature des “déductions” de Sherlock Holmes
   Denis Vernant

  Philosophe de la logique et du langage, Professeur émérite à l’Université Grenoble-Alpes

17h30 – UM IAE, amphithéâtre Robert Reix (campus Triolet, bât. 29) [attention, campus en travaux !]

Résumé, affiche

Affiche A3 – PDF415 Ko

Invitation conjointe avec l’IMAG – Institut Montpelliérain Alexandre Grothendieck.
Conférence HiPhiS associée à la Journée Mondiale de la Logique
 (*)

Résumé :

  On attribue généralement les succès du célébre détective Sherlock Holmes à ses capacités déductives. En fait, ses raisonnements conduisant à l’arrestation du coupable relèvent toutes d’abductions. Différente de la déduction et de l’induction, l’abduction est une inférence spécifique qui consiste à faire des hypothèses sur la cause suppposée d’un fait inattendu. Nous proposerons d’abord de définir l’abduction comme une procédure combinant raisonnement logique et enquête praxéologique mettant en jeu des données empiriques. Nous illustrerons sa capacité inventive par le rappel de la découverte par Kepler du caractère elliptique des orbes planétaires. Enfin, sur l’exemple de la nouvelle Silver Blaze d’Arthur Conan Doyle (titre FR : Flamme d’Argent), nous examinerons comment Sherlock Holmes découvre l’identité du voleur.

(*) Journée Mondiale de la Logique (World Logic Day) chaque 14 janvier, manifestation placée en 2020 sous le patronnage de l’UNESCO. À cette ocasion, un après-midi de conférences est organisé à l’UM, amphi IAE — programme.

Affiche HiPhiS 2020-01-14M – D. Vernant


Attention travaux – chantier “Village des Sciences” en voie d’achèvement : la réouverture de l’accès piétons sur le parvis place Bataillon est imminente, mais non garantie pour le mardi 14. Pour rejoindre le bâtiment 29 depuis le tram, le cas échéant accéder par l’entrée rue du Truel (environ 15 minutes depuis la station “Universités”). Voir le plan.